Toulouse, Deuil Périnatal accompagner par l’Hypnose - Témoignage d’une Mamange.

Sans n’avoir jamais été enceinte j’ai découvert cette terrible part de certaines grossesses qu’est le deuil périnatal lorsque j’avais 22 ans. Je démarrait tout juste mon entreprise de photographie, Marine dont vous pourrez lire le témoignage en fin d’article était ma toute première cliente, une copine de collège, elle voulait annoncer sa première grossesse. Nous avions beaucoup parlé et rigolé lors de cette séance, évidement les grossesses sont toujours source de joie et de bonheur. Ni l’une ni l’autre n’avions jamais entendu parler du deuil périnatal… Puis un jour j’ai reçu ce terrible message… Marine avait perdu ses bébés.

Je ne savais ni quoi dire, ni quoi faire… J’étais sidérée et je n’osai imaginer ce que cette jeune femme avec laquelle j’avais partagé quelques années au collège pouvait vivre…

Plus tard je découvrais l’existence de Souvenange dont je vous parle dans un autre article. Je me suis dès lors réellement investie au sujet du deuil périnatal. Je me souviens que Marine m’avait dit avoir eu l’impression d’être la seule au monde à qui ce terrible malheur pouvait arriver… J’en ai conclu qu’il était d’intérêt général de parler le plus possible du deuil périnatal, car chaque années ce sont en moyenne 7000 familles qui sont frappé par l’horreur.

C’est donc en parlant de l’association lors d’une soirée de professionnelles de la périnatalité, j’ai fais la connaissance de Stéphanie, hypnothérapeute spécialisée dans l’accompagnement des difficulté maternelles, parentales et surtout du deuil périnatal.

J’ai alors eu l’idée pour le 15 Octobre, journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal de lui poser quelques questions et demander conseil sur l’accompagnement des familles.


Jessica : Stéphanie, en quoi consiste ton accompagnement du deuil périnatal en tant qu’hypnothérapeute ?

Stéphanie : A transformer les liens extérieurs disparus en liens intérieurs. Présents pour toujours.

Tout d’abord ce que j’ai en tête pour créer un lien avec ce parent qui vient rechercher mon aide : Créer un espace de sécurité et de compréhension des dimensions du deuil pour permettre à la personne de se déposer, de tout déposer. Ce qu’iel a vécu, comment iel l’a vécu, ses pensées, sa souffrance, son absence de souffrance… tout. Créer cet espace est essentiel. C’est la base du travail que je vais pouvoir proposer à mes client.es.

Par la suite, je vais proposer deux manières de travailler qui vont s’enchevêtrer.

Une centrée sur l’écoute, l’échange. Il y a de véritables conversations autour de ce qu’iels vivent concrètement. Je peux être amenée à expliquer, donner du sens à ce qu’iels traversent notamment avec leur entourage ou au travail. Au fil de l’accompagnement, l’idée est de cheminer vers l’émergence de « possibles ». De percevoir qu’il y a encore un chemin. Qu’il sera toujours teinté par la perte de ce bébé mais qu’un avenir est possible..

L’hypnose va arriver assez tard dans mes accompagnements. Quand on commence à envisager d’autres choses, à sortir de cette sensation d’être coincé.e dans le présent. Je vais l’utiliser pour :

  1. - Accompagner à prendre conscience de la réalité de la perte

  2. - Accueillir et faciliter l’expression des émotions

  3. - Recréer du lien :

    • avec le bébé : La mort et la perte c’est la disparition des liens extérieurs qui nous lient à la personne. Avec l’hypnose et tout l’accompagnement, nous allons chercher à retisser des liens. A l’intérieur de soi. Intimes, profonds et durables.

    • avec soi et transcender les pensées liées à la culpabilité.

  4. Réinvestir la vie, la joie sans avoir la sensation de trahir son bébé. Transformer son rapport au monde.

 « On n’oublie jamais mais on finit par avancer, en paix. »


Jessica : Les étapes d’un deuil périnatal sont-elles toujours les mêmes ?


Stéphanie : Alors Elisabeth Kübbler Ross a fait un super travail sur le deuil, mais il a été tellement simplifié que ce qu’il reste de la courbe du deuil est simplement à côté de la plaque. 

Certain.es professionnel.les vont tellement être focalisés sur cette courbe simplifiée qu’iels en oublient que le deuil est quelque chose que chaque personne vit différemment, et surtout les parents frappés par le deuil périnatal vont “griller” des étapes, pour revenir par la suite sur la courbe dans l’ordre annoncé.

Pour autant le deuil a des dimensions qu’il est intéressant de connaître. Déjà pour mieux accompagner, soutenir un parent endeuillé et pour les personnes touchées, se préparer à ce qui va arriver, savoir que leur ressenti est ok. Personnellement, je me réfère aux travaux de Christophe Fauré psychiatre et psychothérapeute reconnu pour ses travaux sur l’accompagnement du deuil.

L’idée n’est pas de passer d’un dogme à l’autre. Ce que j’aime dans son travail c’est l’idée de dimension du deuil. Il n’y a pas de temporalité, il y a des espaces., des dimensions


Le premier est l’impact. Moment où l’on apprend la nouvelle, le décès. Le choc, la sidération. Il n’y a pas d’émotion vraiment claire chez les parents car il y a justement trop d’intensité. Autre espace : la recherche/fuite.  Ensemble de mécanismes que l’on va mettre en place bien souvent inconsciemment à la fois pour prolonger, maintenir le lien qui nous unit à ce bébé décédé, et à la fois pour repousser cette immense douleur. Qui dit mécanismes de défense dit effondrement des mécanismes. La dimension de la déstructuration arrive quand on pense que « tout est sous contrôle ». Sauf que nos mécanismes nous ont protégés pendant un temps mais qu’ils ne suffisent pas… La déstructuration c’est les émotions du deuil en mode tsunami quand on ne s’y attends plus. C’est un moment très délicat car on a l’impression que c’est pire qu’avant.

Et puis finit par arriver une dimension bien plus douce. La restructuration. Espace qui va voir nos relations au monde, aux autres et à nous se redéfinir. La souffrance est apaisée. Le parent ressent que son enfant sera toujours là, en lui, en elle, mais son absence ne l’anéanti plus. La tristesse peut rester mais pas la souffrance.

A nouveau : « On n’oublie jamais mais on finit par avancer, en paix. »


Jessica : Quels sont tes conseils pour accompagner en tant que proche ?

Stéphanie :

  • Manifestez votre présence. Par sms et régulièrement. Acceptez qu’il n’y aura pas forcement de réponse et maintenez un lien.

  • Parlez du bébé, nommez-le/la et n’oubliez pas son prénom. Lors de sa date anniversaire, n’hésitez pas à envoyer un message en disant simplement que vous pensez à ce bébé et à ses parents. Au début, vous pouvez même le faire tous les mois. Bien souvent on n’ose pas se manifester pour ne pas faire souffrir ou raviver la peine. Spoiler : les parents pensent à leur bébé décédé et ça ne va pas s’arrêter avant… probablement jamais. La seule chose qu’il va se passer, c’est que votre proche va se sentir soutenu.e et c’est essentiel.

  • Acceptez que pendant un temps (1 an, 2 ans...), les événements sociaux pourront être insécurisants pour les parents endeuillés. Iels vont anticiper des annonces de grossesses, des présences de bébés etc… D’autre part, le deuil est un processus qui prend beaucoup d’énergie. La fatigue des parents endeuillés est réelle. « Faire bonne figure » peut être trop difficile.

  • Pendant un certain temps, votre proche pourra avoir des réactions vives ou au contraire se replier sur iel-même. N’en tirez aucune conclusion autre qu’iel fait ce dont iel a besoin et peut être vous exprime des limites impossibles à dépasser.

  • N’attendez pas que le parent endeuillé passe à autre chose. Cela n’arrivera pas. Un jour, dans longtemps, iel ne souffrira plus autant mais jamais on n’oublie son enfant décédé.


Marine et son mari on été frappés plusieurs fois par le deuil périnatal, elle nous raconte son parcours :

Le deuil périnatal, pour moi a commencé alors même que j’avais mes bébés dans le ventre… 

Ce jeudi 4 septembre 2014, j’ai 21 ans, je suis enceinte de jumeaux et dans mon 5e mois de grossesse. Comme ce sont de «vrais jumeaux» je suis surveillée tous les 15 jours. Nous arrivons donc à lune de ces échographies de contrôle, et on nous annonce les sexes, deux petits garçons. Nous pleurons de joie, c’est ce que nous espérions ! Puis je vois au visage de l’échographiste qu’il y a un soucis. Il appelle le chef de service en me disant qu’il y a un soucis de syndrome de transfuseur transfusé il veut une confirmation. Il demande à mon conjoint de préparer des affaires et de revenir, je dois être héliportée. C’est le choc, je me relève pour accuser le coup et là, c’est la fin.

La poche des eaux se rompt, on m’explique brièvement que je vais accoucher, mais nous sommes déboussolés nous ne comprenons pas… Je vais accoucher mais il est trop tôt, on va faire comment pour nos bébés ? Ils vont devoir rester combien de temps à l’hôpital ? Rappelons le j’ai 21 ans, et c’est ma première grossesse, on ne parle jamais de «fausse couche» à une femme enceinte et même aux femmes de manière générale.

C’est une fois en salle de naissance que nous tombons sur une équipe nombreuse et bienveillante. On nous explique tout, ce qu’est le ce syndrome du transfuseur transfusé sur les jumeaux. Pourquoi mon corps a provoqué cet accouchement prématuré, comment va t-il se passer… Les intervenants se présentent à nous un par un, puis se tiennent à disposition mais restent discrets. 

Il est donc 10h09 quand mon deuil commence alors que j’ai encore mes bébés vivants dans le ventre… 

Dix mille questions fusent, est ce qu’ils souffrent, combien de temps cela va t-il durer et après ? Il y a une intervenante qui vient régulièrement et nous demande si nous souhaitons voir nos bébés, passer un moment avec eux, si nous avions choisi les prénoms et si nous souhaitions organiser les obsèques…

WOOOOW  j’ai 21 ans et il y a 25 minutes j’arrivais pour une simple échographie de contrôle… calmons nous. 

Je suis perdue. Mais je sais que je ne suis pas prête à organiser des obsèques. Je prends pour ma part très vite la décision de ne pas voir les bébés. Puis nous prenons la décision de ne pas leurs donner de prénoms, ne pas les inscrire sur le livret de famille et ne pas organiser d’obsèques. 

Il est 19h07 le premier bébé naît, le second naît à 19h11 

C’est terminé j’ai le ventre vide l’âme dans le néant. 

Je suis envoyée en chambre et je demande une heure plus tard à rentrer chez moi. Ma demande est refusé pour ma sécurité. Je passe donc la nuit dehors sur un fauteuil roulant… Après avoir beaucoup insisté je sors le lendemain midi. En sortant nous avons ce besoin d’évasion. Nous partons une semaine en corse et prévoyons de quitter la région où nous vivons à notre retour. 

Nous partons, tout va plutôt bien ce qui est dur à accepter à notre retour (le jour de mon anniversaire) ce sont les questions… Les questions des proches, des moins proches. Des questions bienveillantes, des curieuses, des malsaines… 

Puis chaque jour en allant travailler je passe devant cet hôpital… Le premier mois je n’y prête aucune attention. Puis après quelques temps je ne peu plus y passer sans avoir la boule au ventre, puis les larmes aux yeux… Au point de ne plus pouvoir y passer du tout et de faire un détour de quelques kilomètres. 

Très vite nous changeons de région. Ça va mieux nous n’avons plus tous ces regards qui se posent sur nous. 

Je retombe enceinte assez rapidement étonnement au moment de la date prévue d’accouchement de nos jumeaux. Je ne vis pas du tout cette grossesse de la même manière… Je suis stressée, je le cache à nos proches… Puis quelques semaines plus tard, c’est reparti. Arrivant en urgence à l’hôpital je suis emmenée au bloc opératoire je fais une grossesse extra utérine, je suis donc opérée en urgence car je suis en train de faire une hémorragie interne. L’opération ne m’a étonnement pas affecté et vous verrez que plus on avance dans notre parcours plus je vais paraître insensible. Je reprends le cours de ma vie dès le lendemain et rentre chez moi.

Vient ensuite le mois suivant ou je tombe de nouveau enceinte, sachez que les tests positifs n’ont plus du tout la même saveur chez nous (je vous passes les fausses couche dans les premier mois… Trois au total) 

Nous sommes un lundi 13 juillet 2015 le matin je sens un liquide couler pendant que je me douche, je vais par précaution en consultation aux urgences gynécologiques. Le verdict tombe je n’ai plus de liquide, je suis de suite accompagnée en chambre et encore une fois très bien entourée. J’appelle mon conjoint pour le prévenir, il arrive dans l’heure. Le personnel m’explique que le liquide peut se reformer et que le cœur du bébé bat toujours. Je suis donc sous monitoring pendant 24h, je suis enceinte de 4 mois… Ils ont beau m’expliquer que c’est possible, je n’y crois pas une seconde… On me laisse quelques jours pour contrôler et prendre une décision. Le 15 juillet je demande à voir mon gynécologue je lui demande de me regarder droit dans les yeux et me donner les chances de survie et de réussite de cette grossesse. Il m’explique que si je veux on peut prendre la décision de déclencher l’accouchement, ce que je demande, au plus vite, je veux vite en finir et rentrer chez moi. Alors on me donnes différents cachets pour arrêter le cœur de mon bébé, puis pour déclencher les contractions. Le même schéma que pour les jumeaux se reproduit, par soucis d’équité vis à vis de nos enfants nous avons reproduit la même chose c’est à dire tout refuser même si j’ai eu cette impression de lâcheté et d’abandon de mes bébés quelques années plus tard. 

L’accouchement se fait, étant donné qu’il est déclenché j’ai une énorme souffrance physique, que j’encaisse comme si je le méritais... Je rentre chez moi aucune larme aucune émotion. S’en suis la décision de ne plus avoir d’enfant… et de créer de nouveaux projets à deux… Malgré tout en 2017 les choses ont changés…

Aujourd’hui nous avons 29 ans et 36 ans nous avons deux merveilleux enfants et sommes mariés. J’ai cependant très mal vécu mes grossesses. Je les ai même complètement ignorées, au point de ne faire aucun achat avant le 7eme mois terminé et n’en parler à personne autour de nous comme si il n’y avait rien de spécial. Je ne me ménageais pas comme il me l’était préconisé. 

Mais ils sont là, une fille et un garçon, grossesses pour lesquelles j’ai quand même eu cette chance qu’elles soient immortalisées par notre photographe préférée, Jessica.

Aujourd’hui mon regret ? 

Peut être, ne pas avoir accompagné nos enfants car oui ils étaient nos enfants… Nous les aimions, nous avions fait à ce moment là le choix de nous protéger et de ne pas demander d’aide pour quoi que se soit, à qui que se soit nous sommes donc restés soudés, ensembles. Aujourd’hui nous avons traversé ces épreuves de deuils tous les deux, nous sommes mariés et plus soudés que jamais et n’hésitons pas à en parler autour de nous à qui veut l’entendre.

Il faut parler du deuil périnatal pour faire savoir que cela existe ! ”

Marine et sa fille, enceinte de son petit garçon.

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